20 septembre 2018

Il semble loin ce temps où l’on opposait le physique au digital. Une décennie après l’invasion massive de l’économie numérique dans nos vies, force est de constater que le point de vente n’a pas disparu. Bien au contraire.

Du supermarché à la galerie marchande, du commerce de proximité au drive, le point de vente n’a eu de cesse de s’aligner sur les nouveaux modes de consommation impulsés par les nouvelles technologies et les usages qui en découlent. De paradigmes en paradigmes, le monde du retail a su prouver au fil du temps sa grande adaptabilité. Aujourd’hui encore, à l’ère du Smart phygital, le magasin physique entreprend une nouvelle métamorphose en mettant le client au centre de ses services par le biais de l’expérience.

Gamifier et optimiser les espaces en se recentrant sur l’expérience client

Bousculé, un temps, par le e-commerce et les plateformes web, le magasin physique a su tirer le meilleur du digital pour ré-enchanter l’expérience en magasin, optimiser les parcours d’achat et redonner du sens à la consommation. La plupart des enseignes ont bien compris qu’il était vain d’opposer commerce physique et commerce en ligne, tant il s’agit de formes de ventes complémentaires. Aussi, ont-elles massivement opté pour une stratégie omnicanal leur permettant d’offrir des services 360 degrés à leurs clients, autant en magasin, que sur smartphone ou plateforme. C’est le cas notamment des deux géants français de la distribution : Monoprix qui s’est récemment associé à Amazon ou encore de Carrefour qui vient de racheter la foodtech Quitoque, spécialisée dans la livraison de paniers-repas à cuisiner. Plus encore, ces canaux digitaux se sont progressivement intégrés de manière intelligente dans les lieux physiques afin de proposer de nouveaux services innovants et une expérience client plus engageante. C’est l’empire du « phygital ».

D’ailleurs, de plus en plus d’enseignes optent pour des parcours clients personnalisés en magasin en gamifiant les espaces, via des dispositifs spectaculaires en AR ou VR, ou en interagissant directement avec le client via son smartphone. Cela permet de magnifier le lieu de vente, de sublimer le produit et de créer de l’engagement envers le client, en transformant l’acte d’achat et de découverte du produit en véritable divertissement. Aussi, le rôle du storytelling lié à l’image de la marque et du produit devient fondamental.

En 2017, BNP Paribas Cardif et Cardif Roumanie se sont associés pour créer un serious game autour de l’assurance Vol & Dommage. Cette initiative a été lancée avec notre partenaire Carrefour en Roumanie. Grâce à la réalité virtuelle le/la joueur(se) se retrouve dans un parc virtuel où il/elle doit protéger son téléphone des risques de disfonctionnement, dommage et vol. Les clients sont ensuite invités à échanger avec les équipes commerciales afin d’obtenir plus d’information et souscrire à l’offre. En seulement 3 mois, plus de 3000 joueurs ont eu l’opportunité de tester le serious game. Ce projet profitable à tous, élaboré avec notre partenaire Carrefour, permet de montrer en quoi la technologie peut améliorer l’expérience client.

En plus du caractère ludique et donc engageant de ce genre de dispositif, cela permet aux marques d’optimiser l’espace de leur point de vente et de gagner en proximité. Or, s’il y a beaucoup de choses expérimentées à l’heure actuelle, Matthieu Soule, Deputy CEO de L’Atelier BNP Paribas North America, concède que « ces dispositifs ne sont pas encore entrés dans les mœurs. Nous ne sommes qu’au début du phénomène. Aujourd’hui on passe surtout par les smartphones car les objets connectés et autres dispositifs numériques qui sont en test sont très onéreux et relèvent plus de l’opération marketing, de l’animation en magasin que d’une révolution du magasin physique »

Une expérienciation qui redonne du sens à la consommation

C’est pourquoi, plus qu’en devenant expérientiel, le point de vente doit retrouver un caractère éminemment social, et devenir un lieu de rencontre aussi divertissant que commercial. Car il ne faut pas réduire l’expérience client au simple acte d’achat. Le shopping est avant tout un moment qui doit relever du plaisir. Aussi, le digital peut-il orchestrer ces différents aspects du commerce en organisant de véritables activités autour des produits. En somme, le magasin de demain serait une hybridation entre le point de vente, le fablab, le salon de thé, le parc d’attraction et le musée interactif. Or, pour Matthieu Soulé, « les pop-up store ont montré que si ce type d’expérience physique fonctionnait bien pour certains concepts ou chez certaines marques, il relevait davantage de l’éphémère que du durable ». C’est pourquoi l’expérience doit dépasser le produit et toucher directement le client et ses attentes toujours plus complexes.

Celui-ci est, en effet, devenu un acteur militant dans sa consommation et plus exigeant dans la gestion de son temps et de son argent. Et le magasin « client-centric » doit répondre de façon personnalisée à ces exigences, en proposant des activités exubérantes à la simple vente. Et le géant américain Target l’a bien compris, en lançant son concept d’open house, un nouveau lieu innovant qui propose à ses clients des sessions de tests de nouveaux produits en magasins ainsi que toute une variété d’événements ou de conférences, créant ainsi un tout autre univers commercial qui augmente l’offre et le produit d’un point de vue client. Plus que d’introduire une accumulation de dispositifs numériques en magasin, il s’agit, au contraire, de transformer le lieu de vente en un hub polymorphe et personnalisé de services connectés.

Des opérations de paiement qui s’invisibilisent

Et là encore, le magasin doit beaucoup s’inspirer du commerce en ligne, en particulier dans ses services financiers. En digitalisant le panier et le paiement, et en l’associant directement aux services et activités proposés, le magasin du futur “invisibilise” et marginalise les moments les plus désagréables comme le passage en caisse. Impossible à ce stade, de ne pas penser aux magasins sans caisses élaborés en ce début d’année par Amazon Go, à la croisée des mondes physiques et digitaux. « Si évidemment, ce modèle d’Amazon pousse le concept à l’extrême, il n’est pas idiot d’imaginer des modèles intermédiaires où les services financiers, sans pour autant disparaître complètement, se fondraient dans l’expérience que vit le client » poursuit Matthieu Soulé. C’est d’ailleurs dans cette optique que la banque américaine Capital One a carrément lancé sa propre chaîne de café, Capital One Café, où ses clients peuvent se rencontrer, échanger et demander tout type d’information à propos de leurs services bancaires. Cette invisibilisation technologique présente avant tout l’intérêt de fluidifier les services et rendre le parcours client le plus naturel possible.

Tout cela concourt à réorienter et à redéfinir l’expérience de consommation en fluidifiant le parcours client. Car en privilégiant le moment au produit ou au service, on introduit un nouvel élément indispensable dans la relation commerciale : l’humain. Car finalement, qu’il soit financier, commercial ou communicationnel, l’échange est ce qui fait l’essence du corps social et du lien entre les hommes. Matthieu Soulé conclut même en soulignant que « l’un des gros avantages des magasins physiques restera la valeur humaine du vendeur, mais aussi son rôle de conseil. Ses indications personnalisées sont autant voire bien meilleures que celles des algorithmes des plateformes. Et les recommandations d’un humain en face à face seront toujours plus chaleureuses qu’un simple scroll. » Et c’est cet échange-là, plus riche que la transaction elle-même, qu’il convient de retrouver. Puisse le « smart phygital » permettre d’aller dans cette direction.

Article écrit en collaboration avec l'Atelier.