19 juillet 2022

Qu’est-ce qu’un médecin-conseil ? En quoi son travail contribue à rendre l’assurance plus accessible ? Gaëlle Bergot, médecin-conseil principal de BNP Paribas Cardif, partage son expérience.

 

Gaëlle, vous êtes médecin-conseil principal chez BNP Paribas Cardif. Pour mieux vous connaitre, faisons un rapide retour sur votre parcours. 

Je suis médecin généraliste avec une spécialité d’urgences médicales adultes et pédiatriques. J’ai exercé au sein d’un groupe de médecine d’urgences libérales à domicile pendant 17 ans. Dès 2003, j’ai suivi un parcours diplômant de médecin conseil d’assurance et réparation juridique du dommage corporel¹, afin d’exercer la médecine conseil et d’expertise assurance.

 

Comment avez-vous intégré le monde de l’assurance ? 

Ma première mission de médecin-conseil dans l’assurance portait sur l’analyse de dossiers médicaux d’arrêts de travail et invalidité dans le cadre de mise en jeu de garanties. Puis, après plusieurs missions de médecin conseil dans différentes compagnies d’assurance, j’ai été nommée médecin chef d’une société d'assurances de personnes spécialisée dans l'assurance collective. J’ai poursuivi mon parcours, en passant chez un grand Réassureur, jusqu’à aujourd’hui chez BNP Paribas Cardif, que j’ai intégré en juin 2020.


Justement, pourquoi faire appel à un médecin-conseil dans une entreprise comme BNP Paribas Cardif ?

Parce qu’à partir du moment où l’entreprise détient des documents médicaux, elle est obligée, pour garantir l’application du secret médical, d’avoir un lien contractuel avec un médecin-conseil. L’ensemble des données médicales personnelles des clients sont sous sa responsabilité. Je précise que nous avons une clause d’indépendance dans notre contrat. Ceci nous permet d’étudier les dossiers de manière purement médicale et en totale indépendance vis-à-vis de l’assureur et du moindre aspect commercial. Par ailleurs, dans une entreprise comme la nôtre, le niveau de technicité des informations médicales à analyser nécessite souvent une expertise professionnelle.


Revenons sur le secret médical, pourriez-vous nous en dire plus ? 

Rappelons qu’en France, nous devons respecter les règles législatives sur l’application du secret professionnel médical et le médecin-conseil, comme tout médecin, est soumis au Code de Déontologie Médicale du Conseil de l’Ordre des Médecins. Certes, nous ne sommes pas directement face à un patient, mais en lien avec des clients qui nous confient leurs informations médicales personnelles. Nous nous devons de respecter les mêmes devoirs de protection qu’envers tout patient. L’application du secret médical chez l’assureur permet au client de se sentir protégé lorsqu’il nous confie des renseignements sur sa santé. Pour résumer : nous sommes les relais de communication pour tous les échanges de données médicales relatives aux clients


En pratique, qui est formé au secret médical chez BNP Paribas Cardif ?

Les collaborateurs dont les fonctions sont d’être tarificateurs et rédacteurs indemnisations ont une délégation partielle d’analyse médicale. Ils sont formés et habilités spécifiquement à cet effet. Ils sont installés dans la bulle de confidentialité médicale sur site à Nanterre, avec les médecins-conseils. Nous formons également d’autres collaborateurs qui peuvent être en contact avec les documents confidentiels contenant des données personnelles de santé, que ces documents soient « en papier » ou numérisés. Ce type de données entre dans un système de GED² médicale et sont taguées « confidentielles », accessibles uniquement aux personnes habilitées. D’ailleurs, dans le cadre de mes missions, je participe au processus de sécurisation des documents médicaux transmis par les clients. 


Justement, revenons à votre rôle : quelles sont les principales missions d’un médecin-conseil ?

Outre ce rôle de garant d’une information médicale bien conservée et traitée confidentiellement, les missions du médecin-conseil sont nombreuses et transverses. 
Nous sommes en charge de l’analyse du risque médical. Nous échangeons beaucoup avec les actuaires et les juristes sur l’évolution des règles, des contraintes et sur les limites de cette analyse du risque. Nous cherchons à nous adapter aux progrès de la science et aux évolutions sociétales pour une meilleure prise en charge des pathologies par l’assureur. En outre, nous participons au comités et fédérations professionnelles proposant d’élargir les règles de traitement du dossier médical d’assurance. 
 

Vos missions sont donc très orientées vers nos clients.

Nous avons même un lien quasi direct avec les clients puisque l’une de nos missions est de rédiger les courriers explicatifs des décisions à contenu médical destinés aux clients (ou leurs ayants droits). Donc je répondrais oui, en tant que médecin-conseil, nous avons le devoir de protéger et accompagner le client. Mais également celui d’aider l’assureur à mettre en place une équité entre l’information médicale transmise et l’application des contrats (vérifier que les demandes de garanties correspondent bien à ce qui était prévu initialement dans le contrat). En pratique, nous recrutons et missionnons des médecins experts indépendants pour examiner et évaluer les incapacités/degrés d’invalidités des clients. Ce réseau est un pilier de l’analyse et de la prise de décision médicale. 
 


Une question d’actualité : la loi Lemoine³ modifie-t-elle votre approche voire votre mission de médecin conseil ?

Nous adaptons nos pratiques et nos outils aux évolutions législatives successives mais notre analyse technique reste la même. La loi Lemoine³ prévoit un accès facilité à l’assurance pour certaines personnes qui présentent un risque de santé aggravé. Nous continuons à étudier les dossiers médicaux à l’occasion des demandes de mise en jeu des garanties, principale mission du médecin conseil et expert. Cela fait également partie de nos missions de répondre aux clients qui demandent des explications sur l’application de ce principe à leur cas particulier. 

Pour conclure, qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier de médecin-conseil ? 
Cette démarche intellectuelle d’enquête qui nous pousse à faire des recherches sur des pathologies peu fréquentes ou inconnues de nos exercices. C’est une analyse médico-technico-juridique objective du dossier qui nous permet de confronter 2 mondes : la médecine et le monde de l’entreprise. Et la dimension humaine : l’expérience sur le terrain me permet de me projeter plus loin qu’un dossier, de me mettre à la place de ce client atteint d’une pathologie qui impacte son quotidien, sur le plan personnel et professionnel, et de l’aider dans sa démarche de prévoyance. Sans oublier, le partage d’expérience et de connaissance avec des équipes intéressées par cette matière médicale riche et variée.
 


- D.U. RJDC - Réparation Juridique de Dommage Corporel- spécialité assurance à l’Université Paris V René Descartes
- GED : Gestion Électronique des Documents
- Loi Lemoine : votée le 28 février 2022, cette loi a pour objectifs de simplifier l’accès des consommateurs à l’Assurance Des Emprunteurs pour leur prêt immobilier. Elle apporte de grands changements : suppression des formalités médicales suivants certains critères, facilité de la résiliation/substitution, renforcement du droit à l’oubli.